Hyperconnectés: le cerveau en danger

Le déluge de données numériques nous atteint de toute part, partout et en permanence. Nos ordinateurs et nos smartphones sollicitent sans cesse notre attention. Ce zapping permanent a un impact sur notre cerveau avec des surcharges cognitives et une augmentation du stress, surtout dans le monde du travail. Comment faire face à ce flux qui augmente sans cesse ? Comment protéger le besoin vital de calme de notre cerveau ?

Le Far West de la technologie

Chaque jour, plus de 281 milliards d’emails (hors spams) sont échangés pour 3.8 milliards d’internautes ! Sans compter messages et notifications sur les appareils mobiles.

On peut parler de Far West, car il s’agit du chaos. Mauvaises pratiques, hyper-connectivité et “bruit digital” engendrent des nuisances en roue libre qui attaquent la santé et le bien-être des individus.

On assiste à un déluge de données quotidiennes sans précédent et à des niveaux de stress permanents eux aussi sans précédent. Trop d’informations, qui arrive trop vite, dans des volumes trop importants pour être traités sereinement.

Armes de distraction massive

Il est 8:00, vous commencez à travailler sur un sujet. À 8:06 un email urgent vous interrompt. Puis un sms, un coup de téléphone, un chat et d’autres emails. Il est 10:30 lorsque vous revenez à votre dossier, vous avez perdu le fil. Dans moins de 3 minutes, vous serez de nouveau interrompu.

La gestion – ou plutôt la manutention – de cette avalanche d’information vient empiéter sur le coeur de métier menant à un sentiment de déqualification, d’éloignement des réelles tâches. La charge de travail s’est densifiée et intensifiée avec une course à l’urgence permanente – 50% des emails sont marqués comme urgent ! – , où règne la loi de l’instantanéité.

La seule gestion des emails représente en moyenne 30% de la journée d’un salarié. Un cadre sur deux ne s’autorise pas à se déconnecter du travail le soir, considérant qu’il s’agit d’une règle implicite sinon d’une injonction.

Entre emails, téléphones, sms et autres messageries, ce sont autant de sollicitations incessantes qui exigent un traitement et une réponse. Un employé est interrompu par une distraction toutes les 3 à 6 minutes. Le coût d’une distraction équivaut à sa durée additionnée au minimum de 12 minutes pour que le cerveau se re-concentre sur une tâche engagée.

Selon une étude de l’Université de Californie, il faut de 12 à 23 minutes pour changer de focus cognitif et retourner à un état de concentration adéquat.

L’intrusion trop forte du smartphone et du professionnel à la maison pose également des problèmes – disputes, tensions, éloignement.

Le stress numérique

La surcharge cognitive permanente amène un état de fatigue mentale, terreau fertile à l’épuisement professionnel – le burn-out. Ce terme à la mode est justement apparu avec la brusque évolution de l’environnement de travail dû aux nouvelles technologies.

En Suisse, un quart des actifs sont épuisés et stressés, pour un coût économique estimé de 5.4 milliard de francs.

L’email est le premier responsable du stress au bureau. Une étude l’Université de Californie montre que plus de temps est passé sur les emails, plus le stress augmente et plus la productivité baisse. Ce, indépendamment du poste occupé.

Changer certaines habitudes toxiques réduit stress et fatigue mentale.

Il devient impératif d’apprendre à mieux gérer les outils pour limiter l’impact des distractions et de l’avalanche d’informations.

Le mythe du multitâche

Valorisante sinon implicitement exigée, la capacité multitâche n’en reste pas moins une illusion. Toutes les études le prouvent. Si les gens font plusieurs choses à la fois depuis longtemps, l’accès à beaucoup plus d’informations et à une vitesse beaucoup plus rapide, multiplie les changements de tâches et les interruptions.

En mode multitâche et vu l’augmentation des sollicitations, le cerveau doit garder et manipuler une multitude d’éléments en même temps. De manière chronique, cela mène à la surcharge cognitive: fatigue, irritabilité, sensation de ne plus pouvoir réfléchir, perte de mémoire.

Chaque changement de tâche – c’est à dire de focus mental – coûte en attention et en fatigue. Il se traduit par une surcharge cognitive et du stress. L’étude de l’Université de Californie rapporte qu’après seulement 20 minutes de travail interrompu, le groupe test montre un stress, une frustration, une charge de travail et une pression significatifs.

Facteurs de stress chronique, Étude SECO, 2010

Qui n’a jamais été au téléphone tout en rédigeant un email ? Arrivez-vous à suivre parfaitement la conversation et ce que rédigez ? En situation de double-tâches, le même réseau de neurones est utilisé, il y a saturation.

En 2004, la durée moyenne de concentration par activité était de 3 minutes. En 2012, elle chute à 1 minutes 15. Elle est même de 45 secondes pour… la génération 2000, née avec le digital.

En plus de la saturation, la situation de double-tâche perturbe les mécanismes d’inhibition de l’attention sélective: bruit, brouhaha du bureau, clics ne sont plus filtrés par le cerveau.

Les jeunes moins bons que les aînés

On s’attend à ce que les jeunes générations fassent baisser mécaniquement le niveau de stress. Nées avec le numérique, elles seraient nativement multitâches (les confortant dans un zapping compulsif qui va pourtant faire beaucoup de mal). Les enquêtes sont étonnantes puisque c’est très exactement l’inverse.

Une enquête Européenne sur 30’000 salariés menée par l’institut GFK montre un taux de stress des jeunes supérieur par rapport aux ainés sur les technologies de l’information.

Des habitudes toxiques

À 6h30 le réveil sonne, vous regardez Whatsapp au lit puis en mangeant. Vous continuez sur votre appareil dans le train ou vous lisez un journal gratuit – composé en majorité d’informations anxiogènes, racoleuses ou inutiles. Il n’est pas 8h et votre esprit n’a été accaparé que par des stimulations externes. Or c’est maintenant votre boite email qui vous assomme d’informations à traiter. À 10h, une pause, mobile sous les yeux. La journée continue sur cette lancée. Il est 23h, vous consultez encore Facebook dans votre lit.

Pouvons-nous en permanence stimuler le cerveau sans qu’il en pâtisse ? Selon Francis Eustache, chercheur en neuropsychologie, il est indispensable de laisser le cerveau des possibilités de se déconnecter. Il existe un réseau de neurones pour lequel ces pauses sont vitales: le réseau par défaut.

Le réseau par défaut s’active quand le cerveau est au repos, quand les pensées vagabondent, que l’on a l’air pas très actif. Ce réseau neuronal joue un rôle fondamental dans la construction de la mémoire, le travail de synthèse, la création et la projection dans le futur. Il est essentiel au bien-être et la bonne santé.

Réapprendre à ne rien faire

Qui n’a pas trouvé une bonne idée ou résolu un problème devant sa glace en se brossant les dents, dans la douche ou assis sur un banc ? Il s’agit de moments de pause où le réseau par défaut est au travail. Il synthétise, réfléchit, à l’abri des stimulations externes.

Savoir se protéger

Pouvoir se protéger contre ce “bruit digital” et l’intensité des exigences de nos journées devient plus que jamais primordial. En se créant une routine adaptée et s’imposant un changement d’habitude, il est possible de combattre efficacement les nuisances et d’augmenter significativement son bien-être et sa satisfaction.

La clé d’une bonne attention est d’arriver à séquencer les tâches en se donnant un objectif après l’autre. Bien que ce soit à priori facile, il est plus difficile de s’y tenir. Il faut également se ménager des moments à soi, pour permettre au cerveau de faire des pauses.

Voici quelques actions simples à mettre en oeuvre mais dont les résultats sont immédiats :

  • Coupez les notifications sonores et visuelles sur votre mobile et de votre client email (Quoi ?!? Mais vous êtes fou !).
  • Consultez vos emails à heures fixes (p.e 3 fois par jour, voire moins !)
  • Appliquez la règle “moins de 2 minutes, je fais. Sinon je planifie”
  • Imposez votre moment “mode avion”, une plage horaire sans interruptions (ni emails, ni téléphones, ni collègues) pour travailler sur votre tâche prioritaire du jour. Souvent une heure suffit.
  • À pied, dans les transports, en balade: offrez du repos à votre esprit afin de laisser le réseau par défaut faire son travail.
  • Pratiquez la cohérence cardiaque 3x 5 minutes jour: inspirez pendant 5 secondes puis expirez pendant 5 secondes.
  • Bannissez le mobile de la chambre à coucher (sinon en mode avion, comme réveil)
  • Choisissez vos “horaires sacrés”, où vous vous interdisez de toucher votre mobile (p.e le matin jusqu’à la fin du petit déjeuner et le soir dès 20 heures).
  • Tous les mobiles ont un mode “ne pas déranger” configurable pour filtrer les interruptions (uniquement les contacts favoris par exemple).

La déconnexion est un besoin légitime et nécessaire. En vous créant une stratégie adaptée à votre mode de vie et vos impératifs professionnels, vous réduisez stress et fatigue. Et vous offrez du calme à votre cerveau.

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Sources

The Cost of Interrupted Work: More Speed and Stress, Gloria Mark, University of California

Pratiques communicationnelles des cadres : usage intensif des TIC et enjeux psychosociaux, Cindy Felio, Université de Montaigne Bordeaux III

Le coût du stress en Suisse, SECO, Département Fédéral de l’Économie, de la Formation et de la Recherche

Job Stress Index 2016, Promotion Santé Suisse